Le rôle des collectivités dans la gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques

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Sophie Mougenot, chargée d’études environnementales au sein du service gestion et prévention des risques environnementaux à l’Eurométropole de Strasbourg, nous livre les clés d’un territoire engagé depuis longtemps dans la prévention des risques liés aux ondes électromagnétiques. Un cas d’usage visant à partager les bonnes pratiques des collectivités en termes de gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques, placé sous le signe de la transparence.

Cet engagement auprès des citoyens voit le jour dans la ville de Strasbourg qui, à la suite du grenelle de l’environnement de 2009, a mis en place une charte avec les opérateurs téléphoniques présents sur son territoire. Fonctionnelle depuis 2012, la charte a récemment été étendue à 19 communes volontaires de l’Eurométropole sur les 33 communes composant la métropole.

Gérer l’implantation d’antennes relais de téléphonie mobile sur le territoire

Bien que les autorisations, le contrôle et la surveillance de l’implantation et des émissions des antennes-relais relèvent de la compétence de l’État, notamment de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et de l’Autorité de régulation des télécommunications (ARCEP), les collectivités ont également un rôle à jouer. C’est à ce titre que l’Eurométropole de Strasbourg s’est engagée pour plus de transparence sur les données relatives aux ondes électromagnétiques au travers d’une charte relative à l’implantation des antennes-relais de téléphonie mobile.

« Des réunions périodiques alliées à l’utilisation d’un outil de modélisation numérique des ondes électromagnétiques par le biais d’un logiciel dédié (MithraREM de Geomod) permettent d’avoir un terrain de discussion avec les opérateurs et les élus » témoigne madame Mougenot.

logo anfr

Quelles relations entre collectivités et opérateurs de téléphonie mobile ?

Les opérateurs ont l’obligation d’informer le maire de la commune sur laquelle ils veulent s’implanter en leur transmettant un dossier d’information mairie (DIM). Ce dossier recense les technologies qui doivent être implantées ainsi que leur future localisation, en plus d’autres informations obligatoires. Sans charte, le rôle du maire de la commune recevant le DIM consiste simplement à informer les administrés du projet.

« Lors du dépôt d’un DIM, il y a éventuellement une question d’urbanisme si l’opérateur doit construire un pylône ou déposer un dossier d’urbanisme, car il va modifier une toiture. A ce moment-là, le maire doit à nouveau se positionner, mais sur l’aspect de l’urbanisme pur. Sur l’aspect de l’émission d’ondes électromagnétiques le maire n’a pas beaucoup de capacités d’action. La vraie autorisation pour l’opérateur provient de l’ANFR » d’après Sophie Mougenot, spécialisée dans la prévention de l’exposition aux ondes électromagnétiques émises par les antennes relais.

L’Eurométropole de Strasbourg a toutefois mis en place des instances de dialogue avec les opérateurs grâce à sa charte.  Les opérateurs de téléphonie mobile peuvent ainsi déposer les DIM dans un espace dédié afin qu’une simulation de l’exposition aux ondes, via le logiciel MithraREM, soit réalisée. Ces études ont pour objectif de révéler le niveau d’émission potentiel, avant l’implantation réelle des antennes relais. Dans le cas d’une exposition trop élevé, l’opérateur reprendra son dossier pour faire une nouvelle proposition indiquant des changements : azimuts, puissances, bandes de fréquences, etc. afin de réduire les émissions constatées lors de la simulation.

simulation ondes strasbourg

« Ensuite, le dossier est inscrit dans nos instances afin de discuter de l’emplacement. Les élus, les opérateurs et les services techniques sont présents. L’ANFR peut également être présente. La collectivité, par le biais de ce comité technique, va donner un avis sur le projet. Il s’agit d’un avis consultatif car l’opérateur n’est pas tenu par l’avis du maire, mais on a la chance d’avoir des opérateurs coopératifs qui vont essayer de résoudre les problèmes. Il y a un vrai dialogue. » témoigne Mme Mougenot.

Les conférences citoyennes au cœur de la stratégie

L’historique de la charte, assez ancien, démontre que la Ville de Strasbourg est depuis longtemps engagée sur les questions de gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Bien que cette question ne relève pas des collectivités dans les faits, les administrés ont toujours pu s’adresser à leurs élus pour obtenir des réponses. Le déploiement de la 5G sur son territoire a été un nouveau déclencheur pour les acteurs de l’Eurométropole de Strasbourg. En effet, fin 2020 – début 2021, la nouvelle équipe municipale et métropolitaine a décidé de lancer une conférence citoyenne dont le premier sujet était le déploiement de la 5G et les usages du numérique.

Cette action avait pour ambition de sonder, à nouveau, les attentes des administrés en termes de gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques, et d’aborder notamment les questions de transparence et de collecte de données. Données qui sont entre les mains de la collectivité (outils ou documents de référence, antennes relais et technologies en place, etc.). « Cette conférence citoyenne a permis d’étendre la charte, jusqu’à présent déployée au niveau de la Ville de Strasbourg, à un territoire plus important, mais également d’en revoir ses modalités. » confirme madame Mougenot.

Quelles actions concrètes mettre en place à la suite d’une conférence citoyenne ?

Afin de compléter les données issues de la modélisation numérique déjà en place, mais également de les vérifier sur le terrain, il a été décidé, toujours dans le cadre de la charte, que des campagnes de mesures d’ondes électromagnétiques allaient être réalisées. L’objectif était de sonder tous les bâtiments dis « particuliers » dans la loi Abeille. Il s’agit d’établissements qui reçoivent des enfants et du public vulnérable : écoles, collèges, lycées, établissements petite enfance et établissements de soins.

visuel cartoradio 1

« Nous avons commencé en 2022 par les écoles primaires de plusieurs communes de l’Eurométropole, adhérentes à la charte. On continuera avec les établissements petite enfance pour finalement mesurer tous les établissements particuliers. Une fois les mesures réalisées par le laboratoire EXEM, des rapports issus de ces différents points de mesures sont publiés en open data sur le site de l’ANFR – Cartoradio – mais également sur nos propres sites web » atteste Sophie Mougenot.

En parallèle, et en complément des campagnes de mesures, l’Eurométropole de Strasbourg a décidé de se tourner vers l’Observatoire des Ondes pour disposer de mesures précises de l’exposition aux ondes électromagnétiques en temps réel. « Cet outil répond également à nos attentes en termes de transparence car les données collectées sont mises à disposition au travers d’une interface web accessible par tous » souligne Mme Mougenot.

L’Observatoire des Ondes pour la gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques en continu

En partenariat avec Exem, créateur de la solution Observatoire des Ondes, l’Eurométropole a réalisé une étude de son territoire afin de définir les emplacements les plus judicieux pour implanter ces capteurs de mesures d’ondes en continu. Les emplacements des antennes (5G) ainsi que la présence d’établissements particuliers (écoles, crèches, hôpitaux, etc.) ont donc été pris en compte pour le déploiement.

observatoire des ondes strasbourg

 « L’utilisation de la 5G n’est pas encore à son paroxysme, nous savons donc qu’une évolution des niveaux d’exposition pourra être constatée une fois la 5G totalement déployée sur le territoire. Grâce aux mesures enregistrées par les capteurs de l’Observatoire des Ondes, nous aurons la capacité de suivre cette évolution potentielle. La solution est d’autant plus intéressante que nous pouvons d’ores et déjà constater des différences d’émission liées au trafic, notamment entre la nuit et le jour. Il s’agit réellement d’un outil complémentaire à ceux déjà mis en place. » assure madame Mougenot.

Au-delà de la mesure en temps réel, l’Observatoire des Ondes permet d’obtenir une vision nationale des niveaux d’exposition aux ondes électromagnétiques : « Cela permet de participer et d’être volontaire pour une démarche de plus grande envergure. Nous sommes convaincus que l’observation du territoire de l’Eurométropole de Strasbourg est une bonne chose. Cela nous permet aussi de collecter plus de données et de les croiser avec notre outil de modélisation numérique afin d’obtenir des prévisions plus fiables. ». Les avantages de la solution sont donc nombreux « Tout le monde peut consulter à tout moment le résultat des mesures sur un territoire proche de lui, ou pas. C’est un aspect grand public très intéressant et rassurant. » pour Mme Mougenot.

La communication, clé de l’engagement et de la transparence

Il peut paraitre légitime de se demander de quelle manière l’Eurométropole de Strasbourg communique auprès de ses citoyens sur ses initiatives en termes d’engagement, de transparence et de gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques… Il faut savoir qu’avant la réédition de la charte, les Strasbourgeois étaient informés annuellement des comptes rendus de réunions avec les opérateurs. Des réponses personnalisées étaient également apportées à chacun des citoyens, notamment grâce au logiciel MithraRem.

Depuis la mise à jour de la charte, le mot d’ordre est la transparence, sur les données mais également sur toutes les actions initiées sur le territoire : « Il n’y a pas de secrets sur les antennes relais » confirme Sophie Mougenot. Cette transparence est mise en œuvre grâce à des moyens de communication telles que des pages web dédiées sur le site web numérique responsable de l’Eurométropole de Strasbourg, avec, entre autres, une page entière dédiée à la charte, des publications sur les réseaux sociaux, la mise à disposition des dossiers d’information mairie (DIM), etc. La radio, la presse locale et même télévisée ont également été démarchées au lancement de la nouvelle charte.

Les outils déployés sur le territoire sont également des vecteurs de communication. Tel est le cas de l’Observatoire des Ondes, par exemple, qui met à disposition via son site web www.observatoiredesondes.com, toutes les mesures réalisées sur le territoire français, mais pas seulement. Une cartographie des antennes, à l’image de Cartoradio, a également été créée par la collectivité.

cartographie eurometrpole strasbourg

« Nous n’en sommes pas encore au stade de l’édition de bulletins d’informations mais nous mettons à disposition du public toutes les informations et les travaux que l’on mène sur le site internet, tout en les rendant compréhensibles pour les habitants.  En ce qui concerne les capteurs, nous relayons le lien de l’Observatoire des Ondes et faisons le bilan des mesures avec notre collège associatif et nos citoyens volontaires lors des réunions annuelles. C’est notre façon de montrer de quelle manière se passe la gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques » affirme madame Mougenot.

Le futur de la gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques

L’Eurométropole de Strasbourg a constaté de grandes attentes de la part de ses citoyens. En effet, ils souhaitent aller plus loin dans la transparence en ayant accès à la modélisation numérique lors des bilans de réunions. Cependant, il n’existe pas à ce jour de cartographie de l’exposition aux ondes électromagnétiques comme il peut en exister pour la qualité de l’air ou encore du bruit. D’après Mme Mougenot, « techniquement nous pourrions utiliser MithraRem pour le faire. Il y a toutefois de nombreuses précautions à prendre car il s’agit de simulations basées sur des calculs théoriques. Il faut être sûr de ce qu’on communique, c’est donc prématuré à ce stade. Est-ce à l’Eurométropole d’être précurseur sur une problématique comme celle-là ? L’idée serait plutôt de travailler en lien avec l’ANFR en mettant nos données à disposition. »

Cartographier l’exposition aux ondes des territoires

Les deux outils utilisés par l’Eurométropole de Strasbourg, à savoir MithraRem et l’Observatoire des Ondes pourraient tout à fait répondre aux attentes des citoyens. C’est pour répondre à ces problématiques que les deux acteurs, déjà conscient de ces enjeux, avaient annoncé leur partenariat en septembre dernier. Basé sur le constat que chacune des technologies proposées (prévision et mesure) a besoin de l’autre pour s’améliorer, ce partenariat souhaite apporter une validation des modèles de prévisions grâce à des mesures. La prévision pouvant également permettre d’évaluer le niveau d’exposition sur des zones non couvertes par les capteurs.

partenariat exem geomod

Apporter des réponses aux questions de la population sur leur exposition aux ondes électromagnétiques et anticiper la montée en puissance des réseaux de télécommunication, tel est l’objectif de ce partenariat qui devrait donner jour à un nouvel outil commun regroupant toutes les caractéristiques et bénéfices de l’offre.

Conclusion

Bon élève ou précurseur ? Il convient de dire que l’Eurométropole de Strasbourg est un exemple à suivre en termes de gestion de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Les bonnes pratiques livrées dans ce dossier inspireront peut-être d’autres collectivités… En attendant, il semblerait que madame Mougenot soit satisfaite des outils déployés sur son territoire, comme elle en témoigne « ce qui est pratique pour les collectivités c’est que l’Observatoire des Ondes est une plateforme qui existe déjà, on adhère facilement au service et on bénéficie des résultats rapidement. Le service est complet, ce qui est très facilitant, même si on ne peut pas y consacrer beaucoup de ressources. »

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